Nouvelle fantastique par Frédéric THILLIEZ

 

La fille de la route.

Les doigts de Julien dansaient frénétiquement sur le volant. Un air de piano battait le temps dans une cadence mélancolique, Natacha colla son nez contre la vitre passager.

— Dis-moi, chéri. Cette route est mortellement vide ou c’est moi qui…

— Tu sais en cette saison. Tout le monde glisse sur les pistes de ski. Il n’y a que nous pour nous perdre dans la campagne profonde.

Natacha souffla de dépit.

— Tous les ans, tu me sers le même discours.

— Et tous les ans, je cède, soupira Julien.

Julien alluma ses feux de nuit et rangea ses lunettes de soleil.

— Je sais que tu aimes ta mère, mais quelle drôle d’idée de vivre dans le trou du cul du monde ?

Natacha ne répliqua pas, elle se laissa aspirer par la vision de la lune, celle-ci était étrangement noire. La jeune femme se demanda si cela était un mauvais signe. Soudain, ses yeux furent attirés par une silhouette.

— Tu vois ce que je vois, s’exclama-t-elle.

— je n’y crois pas. C’est une enfant !

— Arrête-toi.

Julien écrasa son pied sur la pédale de frein. Le hurlement des pneus effraya les oiseaux du coin. Julien se gara sur le bas côté et descendit de la voiture en prenant garde de ne pas juter dans le fossé.

— Fais attention à toi, lança Natacha.

Julien se précipita sur la petite fille, celle-ci tremblait de froid.

— Ça va, ma belle ? s’inquiéta l’homme.

— Je suis gelé, répondit la fillette.

— Va rejoindre mon épouse, te réchauffer.

Julien observa la gamine grimper dans le véhicule. Il se demanda ce que pouvait faire une préadolescente toute seule sur une route déserte et en pleine nuit. Il avança un peu plus loin, il vit une auto dans le fossé. À l’intérieur un couple, certainement les parents. Ils étaient morts. Pauvre orpheline, se dit Julien. En regardant de plus près, Julien découvrit que ce n’était pas un simple accident.

Julien courut à sa voiture, démarra et s’enfuit le plus loin possible de ce lieu.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Natacha, inquiète.

— Ce n’était pas un accident. C’était un meurtre. Quelqu’un a égorgé ses parents.

— Tu as vu l’assassin ?

— Non, mais il doit être pas loin. On va voir les flics.

Julien était rassuré, cela faisait un quarante minutes qu’il roulait à vif allure. Le tueur était derrière eux, il ne pouvait plus les rattraper. Julien ne quitta pas la route des yeux, ce n’était pas le moment d’avoir un accident. Il alluma une cigarette et en proposa une à Natacha. Celle-ci dormait, le front posait contre la vitre. Il lui saisit le poignet, il sentit l’inquiétude de sa femme, sa peau était moite. Julien reprit sa main, il aperçut du sang. Il tourna la tête et découvrit avec horreur le cou tranché de sa bien-aimée. Au même instant, au rétroviseur, il vit la petite fille lécher un couteau ensanglanté.