Nouvelle fantastique. Grincement.

 

Grincement.

Dans la rue déserte, la pleine lune éclaire une neige froide et abondante. Un vent glacial gifle la porte d’entrée, la lumière du plafonnier s’enrhume sans aucune pitié. Dans le hall de l’hôpital de Neuilly-sur-Seine, les deux policiers, chargés de prendre la plainte d’Amélie, soufflent de colère, ils savent. Le violeur est déjà loin.

Amélie essuie ses larmes, son regard n’ose plus fixer les yeux de ce jeune médecin.

— Je vous fais un arrêt maladie de trois jours !

— C’est vous le professionnel, cède l’étudiante d’une voix étouffée.

Trois jours pour se remettre des coups de poing à la figure, au ventre. Trois jours pour oublier l’haleine fétide de son agresseur. Trois jours pour oublier cette douloureuse pénétration interdite. Amélie n’a plus de force pour gifler ce con de médecin. Elle veut renter chez elle, se cacher sous la couette et ne plus en sortir.

La pleine lune éclaire maintenant une Amélie marchant péniblement dans la rue. Les chauffeurs de taxi dorment, les chauffeurs de bus sont en grève, ses chaussures cassées sont son seul moyen de transport. Son agresseur, son violeur est parti avec sa voiture. Amélie rit de cet abus de langage, « son violeur », comme si elle possédait la sale brute qui l’a fait souffrir physiquement et mentalement.


Vingt-trois heures, Amélie compose le mot de passe du digicode, pousse péniblement la lourde porte d’entrée et monte les nombreuses marches d’escalier qui la séparent de son étage. La jeune étudiante en art jette sur le canapé son sac à main, son manteau, son écharpe et son corps sali.

— Ma pauvre, tu as une sale tête, c’est ton directeur de thèse qui t’a mis dans cet état, lance sa colocataire en sortant de la salle de bain

— Ce n’est pas mon directeur de thèse, répond faiblement Amélie.

— Tu travailles trop, fais comme moi, vas faire la fête.

Sylvie, une brune à la tignasse cent fois brûlée par un fer à cheveux, voile ses fesses avec une courte jupe en cuir noir et lance un sourire rouge brillant à Amélie.

— Viens avec moi, on va danser, boire et flirter toute la nuit.

— Je viens de me faire violer, réplique froidement la jeune étudiante.

— Mon dieu et sais-tu qui est ce fumier ?

— Non !

— En tout cas, ce n’est pas un mec bien !

Sur ces paroles idiotes, Sylvie glisse discrètement trois préservatifs dans son petit sac.

— Reste avec moi ! Supplie Amélie.

Sylvie fait mine de ne rien entendre.

— Juste pour ce soir, j’ai peur que mon agresseur me retrouve.

Des longues larmes se mettent à couler sur son visage fatigué.

Sylvie saisit son manteau, sort de l’appartement.

— T’inquiètes ma belle, tu es en sécurité ici. Bisous

La porte se referme dans un lourd silence. Amélie reste plantée là toute seule, sans personnes à qui confier son terrible malheur. Elle décide de se réfugier dans sa chambre et de ne plus en sortir.


Quatre heures du matin, un bruit grinçant réveille la douce Amélie. Ce grincement mystérieux provient de la porte d’entrée. On dirait des coups de griffes ou plutôt des coups d’ongles.

— Sylvie, c’est toi ?

Amélie, se lève, respire profondément, ses doigts tremblants dessinent maladroitement une croix. Elle entrebâille la porte de sa chambre, les affaires de sa colocataire ne sont pas à leur endroit habituel. La brunette est toujours en train de danser, pense l’étudiante. Alors, qui gratte à l’entrée. Amélie s’approche, une ombre apparaît au bat de la porte. Les yeux de la jeune femme se gonflent d’horreur. C’est certain, son violeur l’a retrouvé. Amélie retourne sans perdre de temps dans sa chambre, bloque la poignée avec une chaise et se terre sous son lit. Elle essaie de ne pas trembler, elle essaie de ne pas pleurer, elle ne veut pas faire de bruit. À la porte, les grincements redoublent. Amélie revoit les images du viol, elle est pétrifiée, elle ne pense même pas à téléphoner à la police.


Sept heures du matin, l’éclairage des voisins tire l’étudiante de sa cachette. Le violeur a dû partir. Dessous la porte d’entrée, l’ombre a disparu, volatilisée. Amélie est rassurée. Elle file sous la douche, prend son petit déjeuner et enfile son manteau pour partir au bureau. Elle déverrouille la serrure, sort et referme derrière elle. En baissant les yeux, elle aperçoit des traces d’ongles ensanglantés. Elle n’avait pas rêvé qu’elle était bien là cette nuit.


Dix-sept heures, un policier la contacte par téléphone.

— Madame Amélie Fouquet ?

— Oui, c’est moi.

— Connaissez-vous une certaine Sylvie Clairette ?

— Oui, c’est ma colocataire.

La voix d’Amélie tremble.

— A-t-elle des problèmes ?

Le flic se racle la gorge.

— Oui madame, elle a été violentée au bas de votre immeuble par un fou échappé de l’asile. Cela s’est déroulé à quatre du matin. Elle a réussi à échapper à son agresseur. Elle a monté jusqu’à votre étage, mais elle s’est écroulée devant votre appartement, trop épuisé. Elle a gratté le bas de votre porte toute la nuit. À sept heures, un voisin l’a retrouvé, il l’a emmené à l’hôpital, mais c’était trop tard.








Commentaires

  1. The Best Coin Casino Sites for 2021 | Casinoowed
    The Best Coin Casino หารายได้เสริม Sites for 2021 · 1. Ignition Casino · 2. mBit Casino · 인카지노 3. Ignition Casino · 4. 메리트 카지노 BetMGM Casino · 5. Slotomania · 6. Cafe Casino · 7. SlotsMillion Casino.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Notre monde est sans surprise.

12 dictons sur la Chandeleur